Dans les moments où la solitude semble écraser toute beauté, nous n'avons d'autre moyen de résister que de rester ouverts.
Mon père me dit qu'il est épuisé, qu'il n'arrive plus à se concentrer, qu'il n'a plus envie de se lever le matin, qu'il n'a plus goût à rien.
Il ne peut pas tomber, lui aussi malade. C'est moi : cette pathologie. C'est mon identité, ma force aussi. Et je refuse que l'on me vole, une nouvelle fois, une partie de moi.
Je suis égoïste, je ne pense qu'à moi. Il a le droit, après tout, d'être malade. Il pourrait même au contraire me comprendre plutôt que de me juger sans cesse. Mais je n'ai pas envie. Si je n'existe plus à travers des pathologies, qui suis-je? Où vais-je aller? Que vais-je devenir?
Mes parents me bouffent la vie, leurs remarques "Tu pourrais quand même dire bonjour le matin!" quand je baisse la tête pour ne croiser surtout aucun regard, pour ne sortir surtout aucune parole. Ou carrément les "Tu t'es battue et tu t'en ai sortie. Tu aurais pu te laisser couler. Tu n'avais pas confiance en toi il y a 3ans, maintenant tout est différent". Je croyais exister dans le rôle de la petite fille pseudo-parfaite, mais là ça me bouffe. Ca ne va vraiment pas, et voila que je ne peux m'appuyer sur aucun pilier, que de toute manière je suis sortie d'affaire à leurs yeux. (Et les : "tu arrêtes bientôt ton suivi psy?") Mais je n'ai plus la force d'occuper cette place. Peut être ne me jugeront-ils plus quand je leur dirais "J'ai eu une mauvais note" ou "Je n'irai pas au lycée aujourd'hui", puisque la force que je dois déployer n'est plus là. Je me laisse couler, et ils ne voient strictement rien. Je suis bouffée par eux, puisque je dois déjà me battre contre mes pensées pas très nettes, je dois me battre pour me concentrer et travailler, et en plus je devrais me battre pour rester parfaite à leurs yeux? Faut arrêter les conneries. C'est un massacre humain. C'est ma vie que je perds dans l'histoire. Parce qu'à force de m'épuiser, à force de lutter contre ce corps qui souffre (les analyses de sang ont été formelles...), et bah je vais craquer. Mon corps va exploser, à force de toujours tout retenir.
J'aimerai qu'ils comprennent... Même si ca ne changerait strictement rien.
Je ne crois plus en rien. Ni en eux, ni en moi.
La vie a perdu tout sens, tout goût, toute couleur.